Le Port de Boulogne : sa vie – son histoire. Partie 2 de 3

Par Paul Cojez

LA MORINIE

Après un bref aperçu de notre région aux temps des bouleversements géologiques, nous aborderons dans ce chapitre la topographie de la région il y a une vingtaine de siècles. En bons marins que nous sommes, nous nous situerons face à l’entrée de l’estuaire, en venant de la mer, donc tribord à droite et bâbord à gauche. A droite, la falaise du cap d’Alprecht avançait beaucoup plus en mer que de nos jours en formant un promontoire qui a reculé sous l’effet de l’érosion et dans le prolongement duquel se trouve aujourd’hui ce qu’on appelle la Bassure de Baas, bien connue des marins qui approchent le port de Boulogne.

Toujours à droite, en entrant, la falaise de Châtillon avançait jusqu’à former avec la falaise d’Odre, en face, un large estuaire se rétrécissant en un goulet de huit cents mètres de largeur environ menant à l’aber intérieur où se trouvait une île (Gésoriac) à l’emplacement actuel de la basse ville jusqu’à Bréquerecque. Cette île faisait environ un kilomètre de longueur.

La mer entrait dans le vallon des Tintelleries, côté basse ville par conséquent, quartier Place des Victoires et rue du Vivier plus précisément, et dans le Val St Martin, côté Bréquerecque actuel.

Le quartier de Capécure actuel n’existait pas et se trouvait sous les eaux pour un certain temps encore, le trait de côte s’étendant jusqu’au pied de la colline d’Outreau, tandis que toute la vallée actuelle de la Liane était beaucoup plus vaste qu’aujourd’hui et remontait jusqu’à Isques, en amont de plusieurs kilomètres de l’embouchure.

Le niveau de la mer il y a une vingtaine de siècles était le même qu’aujourd’hui mais la vallée de la Liane était plus profond d’une vingtaine de mètres par rapport à ce qu’il est aujourd’hui et comme on vient de le voir, beaucoup plus large.

L’érosion marine et l’ensablement de l’estuaire ont depuis profondément modifié cette partie du littoral, l’île de Gésoriac s’est rattachée au côteau descendant de la haute ville, les vallons des Tintelleries et du Val Saint Martin se sont comblés et le fleuve est devenu impraticable à la navigation.

Il est intéressant de noter que la toponymie locale a gardé le souvenir de sites en rapport avec la topographie de l’époque, on relèvera :

  la rue de l’Ancien Rivage, derrière la rue Nationale, qui n’a pas besoin d’autre explication,

  la rue du havre, derrière la place des Victoires, qui perpétue l’emplacement de l’entrée du port situé dans le vallon des Tintelleries et qui s’appellera plus tard, le port du Petit Paradis ; un fort sera construit par les Anglais à son entrée ainsi que le rappelle la rue du Fort Rouge, juste une rue au-dessus,

  Outreau qui évidemment voulait dire à l’origine « outre l’eau ».

Quels étaient les habitants de la région à cette époque ?

C’était le pays des Morins (la Morinie) habité par des Celtes faisant partie de la Gaule, avec son administration, ses coutumes, sa religion, ses activités de pêche et d’agriculture, vivant dans une région de bois et de marais et dont le site le plus connu des géographes de l’époque dont le grec Ptolémée, était Gésoriac, ville principale et port de la Morinie. Leurs voisins les plus proches étaient les Ménapiens habitant la Belgique et les Pays-Bas actuels.

Cette région était la plus extrême connue des géographes de l’époque et considérée comme le bout du monde. L’ile britannique était également connue mais considérée comme un autre univers. Les Morins commerçaient avec les « Britons » et importaient notamment de l’étain indispensable à la fabrication du bronze qu’ils transportaient dans des bateaux dont Jules César a consacré quelques lignes dans ses mémoires sur la guerre des Gaules.

Il dit notamment que « les bateaux des Morins avait un fond plat, tenaient mieux la mer, étaient particulièrement solides car construits en bois de chêne, possédaient de hauts francs-bords avant et arrière et étaient propulsés par des voiles faites de peaux probablement plus résistantes que les voiles en toile ».

On aurait tort de s’en tenir aux idées reçues réductrices concernant nos ancêtres les Morins car c’était un peuple parfaitement organisé avec une administration locale et des représentants siégeant aux assemblées du pays. Le commerce était florissant, les routes parfaitement praticables puisqu’elles permettaient de livrer l’étain, entre autres marchandises venues de l’ile de Bretagne, dans d’autres régions des Gaules. Le pays regorgeait de gibier et de poisson, il semble donc que ce peuple des Morins ne manquait de rien et était parfaitement organisé.

Les Morins adoraient plusieurs dieux et leurs prêtres étaient, comme chacun sait, les druides dont les coutumes nous sont familières puisqu’elles ont enchanté nos oreilles d’enfant dans les petites classes de nos écoles puis plus tard….dans certaines bandes dessinées et films célèbres. Une anecdote : le Dieu du vent s’appelait Circius, celui qui fait souffler la tempête et que les Morins honoraient parce qu’ils lui étaient redevables de l’air pur qu’ils respiraient….rien n’a changé ou presque.

Dans le prochain article nous parlerons de l’arrivée de conquérants venus du Sud …..les ROMAINS.

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